La ville de Saint-Nazaire est mobilisée. Spectacles, expositions, cérémonies se succèderont du 29 octobre au 11 novembre pour célébrer la fin de la Grande Guerre. Une conférence inédite met en sons et lumière les sonneurs de cornemuse, instrument de guerre, instrument de paix.

Les oubliés de l'histoire

147.000 Ecossais ont trouvé la mort lors de la Première Guerre mondiale soit 20 % des pertes britanniques. Pour un pays qui compte 5 millions d'habitants en 1914, c'est un carnage. Il faut imaginer la furie des batailles, le sifflement des obus qui rendent sourd, l'espoir cloué vif, les cris, la souffrance, les balles qui giflent, les tranchées glacées et le moral béant des soldats qui courent à la mitraille comme des bêtes folles. Et soudain, l’horizon d’une ligne de basse et des notes mélancoliques s'élèvent pour dessiner les lochs austères, les vallées des Hautes Terres et les lumières brumeuses de l'Ecosse. Les tripes qu'il faut pour regarder l'enfer en face, seule la cornemuse peut les donner à ses "pipers" et galvaniser les troupes.

Une arme de guerre insolite

La cornemuse est intégrée au système des clans écossais. Chaque chef avait son sonneur, de père en fils. Elle rythme tous les moments de la vie des Highlanders, cri de guerre et dernier hommage aux victimes. Elles galvanisent les troupes et effraient l'ennemi avec leur boucan du diable. Batteurs (tambours) et sonneurs (cornemuses) marchent de concert sur les champs de bataille. Les batteurs entendent le sifflement les obus et préviennent les sonneurs, portés par leur vibration. Ils poussent des cris inarticulés et sauvages pour les prévenir du danger. Les hommes déboussolés dépassent leurs limites en suivant le sonneur de première ligne. Aucun clan n'étant jamais parti sans sonneur, la cornemuse reçoit l'insigne distinction d'être interdite en sa qualité d'arme de guerre jusqu'en 1910 ! D'ailleurs, on l'appelait "war pipe". Cette très vieille dame, qui remonte au XIIIeme siècle, sait mettre le feu aux poudres et rend les pipers écossais redoutables. "Scotland the brave" !

Les dames de l'enfer

Veste de combat kaki, béret, aumonière, pistolet à la ceinture, et cornemuse comme arme ultime, leur mise est détonante. Et leur courage no limit. Les allemands les nommaient "Dames de l'enfer" en raison de leur kilt et de leur férocité au combat. Le piper jouait devant les troupes en marche ou restait dans la tranchée pour jouer un "lament" en hommage aux  soldats qui ne reviendront pas. A l'époque napoléonienne, les pipers combattaient en première ligne mais c'est une image un peu folklorique. Nommés brancardiers ou estafette, beaucoup sont tombés car ils étaient face à l'ennemi en jouant. Difficile de se défendre avec son instrument ouvert à tous les vents. Mais certains furent héroïques en montant à l'assaut. Vision effroyable de ces furies bourdonnantes aux ailes tartan!

Plus qu'un instrument, c'est une voix

On dit que la cornemuse libère les émotions et convoque les souvenirs. A la guerre, les soldats trouvaient du réconfort dans son chant lugubre ou martial.
Plus qu'une musique, la bagpipe sonne le ralliement  à un clan hors d’âge, une civilisation ancienne aujourd'hui disparue, et signe une appartenance à quelque chose de plus grand et de plus ancien que soi. Sa voix de stentor porte haut les valeurs du clan des Highlands et de ses troupes d’exception.
Elle dispose d’une palette sonore très large avec son bourdon authentique comme un enracinement dans la terre charnue et fertile des landes. Son "chanter" (sorte de hautbois) en roseau peut exprimer des sentiments variés de la joie à la haine, colère, amour ou vengeance, détermination, mélodies guidées par l’âme du "piper" qui souffle sa musique d’ombre et de lumière. Mais, la bête ne se laisse pas apprivoiser facilement. Il faut plusieurs années pour en tirer un son correct. Vibrato, tremolo, les nuances de doigté donnent des couleurs à cet instrument à carreaux. Le sac, une panse de mouton ou de brebis, est la poche d’air qui donne la basse ou le bourdon aux trois tonalités. Le registre mélodique peut être guerrier et se prête merveilleusement aux marches, à la cadence militaire. Mais il existe aussi des chansons subtiles où la nostalgie affleure. Une musique qui donne toujours du vague à l’âme et étrille le cœur.

L'émouvant hommage d'une nation

Un événement planétaire résonnera partout dans le monde ce 11 novembre 2018.
Tout commencera avant le lever du soleil à Saint-Nazaire. Dès 6 heures du matin(*), sur le Vieux- Môle, les sonneurs vous mettront le bourdon en interprétant la complainte écossaise jouée à la fin de la guerre. "Battle's over" : la guerre est terminée. Sur tous les fuseaux horaires, cet air sera relayé 24h/24 durant cette journée. Hauts les choeurs, le public chantera à l'unisson.
 
-Le 4 novembre 2018 à 16 heures : La Cornemuse des Highlands, instrument de guerre, instrument de paix

La galerie des Franciscains, lieu central et symbolique en tant qu’ancien hôpital de l’arrière, a été choisie pour accueillir les expos, conférences, spectacles et lectures publiques.
(*) Heure de la signature de l’Armistice de Compiègne à Rethonde dans l'Oise
 
-Programme des commémorations à Saint-Nazaire
-On se met dans l’ambiance avec une interprétation de Battle’s over !
Pour info, les championnats du monde de cornemuse se déroulent les 16 et 17 août à Glasgow.

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